Fondateur de L’échappée : mécanique et services à vélo, Nicolas Devaux est entrepreneur salarié et président de la CAE Tilt.
Avant, Nicolas travaillait dans le développement d’applications informatiques au sein d’un bureau d’études. Pendant 17 ans, il a œuvré dans « l’économie classique », ce qui, de son propre aveu, a « pas mal abîmé » son rapport au travail.
Face à un management qui ne lui convenait pas, il se disait souvent : « Quand je serais grand, je ferai autre chose ! ». Nicolas a pris le temps nécessaire pour mûrir sa réflexion… En 2019, alors qu’il est au virage de la quarantaine, c’est le déclic : « Puisque j’ai l’impression de ne pas trouver ma place dans le monde du travail, autant créer mon propre emploi ! ». Alignement des planètes : l’entreprise qui l’emploie rencontre des difficultés qui conduisent à son licenciement économique. L’aventure entrepreneuriale peut commencer !
Le vélo comme projet de reconversion
Depuis plus de 15 ans, Nicolas se déplace à vélo pour ses activités professionnelles à Dunkerque. Quand il est muté à Lille, il refuse catégoriquement de reprendre la voiture, préférant coupler vélo et train. « C’est comme ça que je me suis rendu compte du potentiel que le vélo avait dans nos villes, au-delà même des questions écologiques, notamment par rapport aux problématiques d’encombrement, de bouchons. Paradoxalement, j’observais à l’époque un certain dédain par rapport à ce mode de déplacement, en décalage complet avec son potentiel. Heureusement, les mentalités évoluent à ce sujet ! », raconte Nicolas. Pendant près de 10 ans, il s’intéresse de plus en plus à la cyclo-mobilité, menant une veille continue sur le sujet. C’est pour cela que quand Nicolas se lance à son compte, c’est dans l’entrepreneuriat à vélo qu’il mise. Il se forme donc à la cyclo-mécanique, avec en tête l’idée de développer une activité de réparateur vélo itinérant.
« Je ne savais pas où ça allait me mener, mais j’avais envie d’explorer de nouvelles choses, d’aller vers l’inconnu. »
La CAE presque par hasard
Comme le confie Nicolas : « Je suis arrivé à la CAE complètement par hasard ! J’ai suivi un parcours classique de formation d’entrepreneur à la BGE, et personne ne m’a jamais parlé des coopératives, je pense tout simplement parce ce système est méconnu ». Lorsque Camille Frazzetta et Jean-Christophe Lipovac – les deux personnes à l’origine de la création de la CAE Tilt – entendent parler de son projet, il et elle proposent à Nicolas de participer à une réunion d’information sur la création de cette coopérative dédiée à la transition écologique. « Franchement, je n’ai pas tout de suite été convaincu » avoue l’intéressé, « mais en réalité, c’est aussi que je n’étais pas encore prêt à me lancer ».
La crise du Covid permet à Nicolas de mûrir son projet et de réfléchir au meilleur statut pour se lancer. Finalement, « une intuition » le pousse à rappeler Tilt : « Je sentais que ce cadre allait me permettre de mener la phase de test dont j’avais besoin, sans pour autant avoir à renoncer aux droits obtenus suite à mon licenciement ». Il aurait pu également bénéficier de cette phase de test via la couveuse de la BGE, mais comme il l’explique : « Finalement, ce qui a emporté ma décision d’aller en CAE, c’est justement le fait que je n’y connaissais rien en coopérative ! Je ne savais pas où ça allait me mener, mais j’avais envie d’explorer de nouvelles choses, d’aller vers l’inconnu. C’est dans mon tempérament, j’aime bien essayer de défricher. Et de toutes façons, je n’avais rien à perdre ! ».
En effet, mettre fin au contrat CAPE que proposent les CAE pour créer sous un autre statut est très facile. Mais il y a aussi l’importance de la rencontre humaine : « Il faut dire aussi qu’ils étaient vraiment sympas chez Tilt ! ». Nicolas devient alors le premier entrepreneur de la CAE. « C’est moi qui ai essuyé tous les plâtres ! » dit-il dans un sourire. « Mais j’ai aussi pu bénéficier d’un accompagnement très personnalisé, c’était génial ! » complète Nicolas.
Un statut, des coopérations, trois métiers
Une fois en contrat CAPE avec Tilt, Nicolas Devaux commence donc à développer son activité de mécanique cycle itinérante sous la marque L’échappée. Bénéficiant de la prime forfait vélo mise en place par le gouvernement après la crise du Covid, l’activité démarre très fort ! Nicolas confie : « c’était vraiment inespéré de pouvoir démarrer comme ça ! Et moi ça m’a permis de faire un paquet de kilomètres à vélo et surtout de valider que je me plaisais à faire ça ». Évoluant peu à peu de clients particuliers vers des clients professionnels lui confiant l’entretien de flottes de vélos, le chiffre d’affaires de Nicolas se stabilise dès la deuxième année d’activité.
De plus au sein de sa coopérative, il fait vite des rencontres qui font naître de nouvelles activités communes « avec d’autres collègues ». D’abord, une activité de conseil spécialisée en mobilité d’entreprise avec la marque collective Aktivmobiliti, puis des activités de cyclo-logistique comme la collecte de déchets et la livraison avec la marque Cargoelan. « Aujourd’hui, la mécanique vélo reste une activité personnelle et occupe environ la moitié de mon temps, la logistique et le développement de l’activité conseil environ un quart, même si cette dernière est la plus prometteuse économiquement ». Et le dernier quart de son temps ? Il est dédié à la vie des différents collectifs dans lesquels Nicolas inscrit ses activités.
S’engager pour faire vivre ses collectifs de travail
En 2023, Nicolas Devaux devient président de la CAE Tilt. Il raconte : « Il fallait un président du fait des statuts de notre CAE. Dans la logique coopérative, c’était tout à fait légitime que ce soit un ou une entrepreneur·e, et comme j’étais le plus ancien et que je me suis toujours intéressé à ce qu’il se passait dans la CAE : ça c’est fait naturellement ». Si au départ Nicolas craignait de voir ses activités d’entrepreneur percutées par cette nouvelle fonction, finalement il ne s’estime pas trop lésé : « J’ai une responsabilité en tant que président, mais dans les faits le pilotage de la CAE se fait vraiment collectivement ! ». Il faut dire que Nicolas est habitué à une certaine charge mentale. Depuis quelques années, il est également vice-président en région Hauts-de-France et administrateur au national de l’association Les boîtes à vélo qui réunit les professionnel·les de la cyclo-logistique dans différentes régions de France. « Beaucoup d’entrepreneur·es à vélo sont maintenant en CAE » se réjouit Nicolas.
« Le gros avantage que j’ai trouvé dans la CAE et auquel je ne m’attendais pas, c’est que j’ai une seule structure pour faire toutes mes activités. »
Bilan très positif après 3 ans d’expérience
Les avantages de la CAE, Nicolas les résume comme cela : « Bien sûr, il y a l’avantage en termes de protection sociale, qui est facile à appréhender. Mais moi, le gros avantage que j’ai trouvé et auquel je ne m’attendais pas, c’est que j’ai une seule structure pour faire toutes mes activités. Et je suis épaté de voir avec quelle facilité un projet individuel est devenu aussi un projet collectif, avec une simple convention entre nous. Pouvoir tester la collaboration avec d’autres comme ça, je trouve que c’est un énorme avantage : on a envie de tester quelque chose ? Et bien on teste, on y va ! Et éventuellement on formalise après coup ». Mais Nicolas reste avant tout un pragmatique : « il est possible que la CAE ne soit qu’un passage avant d’aller vers d’autres formes juridiques, peut-être plus propices sur la question des investissements notamment ».
En attendant, l’enjeu qui préoccupe actuellement Nicolas est double : faire connaître davantage le modèle des CAE à l’échelle régionale et consolider les modèles économiques de ses différents collectifs pour en augmenter la robustesse sur le long terme. Parions que cette aventure à vélo avance doucement vers les sommets !